C'est en 1975 que, nés de l'imagination du scénariste André-Paul Duchâteau et des prouesses graphiques de Christian Denayer, Al et Brock, les ineffables et désormais célèbres casseurs, ont fait une entrée remarquée dans le petit monde des héros de bandes dessinées.

Quinze ans, tout au long desquels ces bouillants et sympathiques patrouilleurs de la police de San Francisco ont entraîné leurs admirateurs dans une suite ou plutôt une cascade de péripéties aussi fracassantes que rocambolesques. De Haute Tension à Brigade de Choc, de l'album qui les a révélés à celui qui clôture à ce jour la liste de leurs téméraires exploits popularisés par les Editions du Lombard, ce duo peu banal aura connu une multitude d'avatars et triomphé de tous les pièges. Non sans peine...
L'initiative de cette série, raconte André-Paul Duchâteau, revient à Christian Denayer. Depuis quelques années, je collaborais avec lui aux performances sportives du pilote de courses automobiles Alain Chevallier dont graphiquement, il s'était fait le chroniqueur. Je ne dirai pas qu'il éprouvait une sorte de lassitude à mettre en images de magnifiques bolides aussi rutilants que vrombissants, mais il ressentait l'envie de créer parallèlement d'autres personnages. Ces splendides machines qu'il avait l'habitude de dessiner, il souhaitait également les réduire à l'état de misérables carcasses! Il désirait se défouler, sur le papier, en provoquant de spectaculaires accidents et en organisant de rocambolesques cascades. Il trouvait très intéressant, à la fois graphiquement et narrativement, d'exploiter l'aspect catastrophe des poursuites de voitures. Comme nous étions déjà de véritables complices, il m'a proposé de participer à ce projet.
Ce que j'ai accepté sans hésitation! L'idée s'est ensuite précisée d'une série d'aventures policières parodiques, un peu à la manière des films d'action et des feuilletons de télévision américains. Ainsi naquit «Haute Tension», un premier album dont les héros étaient deux intrépides patrouilleurs qui avaient la fâcheuse manie d'accumuler les gaffes et de réduire en ferrailles, la plupart des véhicules dont ils disposaient. Leur spécialité: enquêtes et filatures en tout genre. Leurs différences de caractères ne les prédisposaient pourtant guère à s'entendre. Plutôt rondouillard, Brock est peut-être le type le plus entêté qui puisse se trouver. Al est l'opposé, une espèce de playboy qui use et abuse volontiers de son charme. Ils n'en ont pas moins une propension commune à provoquer des dégâts.
D'où une solide réputation de «casseurs»... Dès le départ j'ai éprouvé un immense plaisir à imaginer les crashes insensés dont ils allaient se rendre responsables.
Qui, mieux qu'André-Paul Duchâteau, pouvait en effet susciter les rebondissements de ces aventures mouvementées? Les intrigues policières, ça le connaît! Il sait comme personne: l'art d'alimenter le suspense: il n'avait guère plus de 15 ans lorsqu'avec succès- il publia Meurtre pour Meurtre, son premier polar. «De 5 à 7 avec la Mort» un autre de ses passionnants romans , lui valut de remporter le Grand Prix de la Littérature Policière. N'est-il pas aussi, avec Tibet qui en assure la mise en images, l'astucieux instigateur des fameuses enquêtes bédessinées de Ric Hochet?

D'où que vienne l'inspiration d'un nouvel épisode, précise-t-il toutefois, c'est toujours ensemble que nous développons le scénario. Chaque album résulte d'une étroite collaboration. Un jour, Christian eut notamment l'envie de dessiner des camions. Nous avons dès lors écrit «Big Mama»  qui se situait dans le milieu des routiers et dont l'un des personnages était un chauffeur de poids lourds impliqué dans une sombre histoire...
On se fait plaisir tour à tour, confirme Christian Denayer. Au niveau surtout des décors dans lesquels évoluent nos héros. C'est souvent le prétexte à confronter nos impressions de voyages. Y séjournant régulièrement, je connais très bien les Etats-Unis. Quand il rédige le scénario d'un épisode qui s'y déroule, André-Paul s'en réfère à mon expérience. En revanche, je me conforme à ses indications s'il s'agit d'une région qui lui est familière. Ce fut par exemple, le cas lorsque nous avons envoyé nos «Casseurs» en mission au Québec.

Une occasion de défoulement

Christian Denayer dessine depuis sa plus tendre enfance. Tout gosse, il s'est également découvert une passion pour tout ce qui roule. C'est tout logiquement qu'il en est rapidement venu à exprimer cette fascination sous forme de BD. Chez Jean Graton, il a commencé par construire les bolides pilotés par Michel Vaillant. Chez Tibet, il s'est ensuite vu confier la responsabilité du parc automobile des aventures de Ric Hochet.
D'où sa rencontre avec André-Paul Duchâteau et le projet bientôt concrétisé d'une première série retraçant les victoires contrariées du pilote de rallye Alain Chevallier. Puis, vinrent Les Casseurs dont la popularité n'a cessé de croître...
Les véritables vedettes de cette série, explique-t-il, ce sont les voitures, les camions et autres engins roulants. Les personnages ne sont là que pour les mettre en valeur et contribuer aux rebondissements de l'intrigue. Ils n'en jouent pas moins un rôle important! Mais, si j'ai choisi de faire d'Al et Brock, des patrouilleurs de la police de San Francisco, c'est que j'adore les voitures américaines. J'en aime le côté confortablement suspendu, la démesure, le luxe, l'outrance... Cette exubérance typiquement américaine permet une transposition graphique très gratifiante. Il est évidemment toujours dommage d'assister à la démolition complète de véhicules aussi prestigieux. Paradoxalement, tout le succès de ces histoires vient précisément de là! Le lecteur en éprouve une sorte de défoulement. Quel automobiliste, pris dans un embouteillage, n'a jamais eu l'envie de foncer sur celui qui lui bouche le passage? Voir au cinéma ou dans une bande dessinée, des cascades incroyables, vous libère d'une agressivité dont on ne peut se soulager dans la vie réelle.
Au cinéma, remarque André-Paul Duchâteau, ces folles cascades ont d'ailleurs rencontré un immense succès dès l'époque du muet. C'était déjà l'un des gags préférés des grands burlesques américains: Chaplin, Keaton, etc... C'est une espèce de démythification de l'objet de consommation par excellence. Tout le monde n'a pas les moyens de s'offrir un sinistre total en Cadillac ou en Ferrari. Nous pouvons, nous, nous permettre ce luxe. A peu de frais! Et en faire profiter le lecteur.
Il va de soi, ajoute Christian Denayer, que je n'ai jamais tenté d'imiter mes héros! Pour me faire une idée précise de ce que, matériellement, il résulte de pareils accidents, je visite des cimetières de voitures, je me renseigne auprès des entreprises de démolition. Ces tas de ferrailles impliquent bien sûr des victimes, des blessés plus ou moins gravement voire des morts. Avec «Les Casseurs», il n'y a jamais de dommages corporels. Par contre, il y a beaucoup de casse.

Cette profusion de catastrophes ne risque-t-elle cependant pas de provoquer une certaine confusion dans l'esprit des jeunes bédéphiles?
Je suis ravi de pouvoir m'expliquer sur ce problème, répond Christian Denayer. C'est vrai qu'il y a dans cette série de très nombreuses scènes d'accidents très spectaculaires dont les protagonistes sortent toujours indemnes. Elles ne correspondent évidemment pas à la réalité. Les aventures des «Casseurs» relèvent de la pure fantaisie. Le lecteur quelque peu sensé doit tout de même bien se rendre compte, que, dans la vie réelle, les choses ne se passent pas.aussi confortablement. L'actualité est là qui, malheureusement le prouve quotidiennement.

En route vers l'Est !

Pour leur, quinzième année de carrière, Al et Brock se sont efficacernent acquittés d'une 17e mission extrêmement dangereuse. Ils ont été appelés à prêter main-forte à la «Brigade de Choc » dont la tâche est de combattre, sur les interminables, routes américaines; les pirates qui attaquent les camions bourrés de marchandises. Dirigée par une séduisante, mais intrépide jeune femme, la brigade dispose des engins les plus sophistiqués pour mener à bien cette lutte, redoutable: motos futuristes presque indestructibles, voitures dignes de la Formule 1 armées de mitrailleuses et de lance-rockets- Inutile de préciser qu'avec Les Casseurs, ces engins fabuleux font des étincelles!
Pour Christian, note André-Paul Duchâteau, c'est l'action qui prime. A moi, de m'y adapter lorsque j'écris le scénario! Mon rôle consiste à imaginer une trame qui lui permette une exploitation graphique maximale des divers engins et des crashes dont ils feront l'objet dans les scènes de cascades. Mais, je dois avouer que c'est un style de narration.qui me passionne et m'amuse beaucoup.
Prochainement, Al et Brock quitteront provisoirement l'Amérique pour se rendre en Europe de l'Est! Sous le couvert d'une mission humanitaire, ils accompliront un voyage au-delà de ce que récemment, on appelait encore le Rideau de Fer. Ils y mèneront une enquête qui relève plus de l'espionnage que du simple travail de police...
C'est une grande première, souligne André-Paul Duchâteau. Mais, en les faisant sortir de leur environnement habituel, nous pourrons davantage nuancer le comportement des héros et leur apporter une dimension psychologique plus profonde. Sans diminuer l'importance du spectaculaire qui demeure l'essence même de cette série, nous développerons l'aspect humain des protagonistes. A l'humour et l'action, nous ajouterons, une pointe d'émotion. Depuis «Big Mama», conclut Christian Denayer, nous n'avions plus mis en scène des chauffeurs de poids lourds. En confiant aux «Casseurs» de conduire à l'Est un camion chargé de vivres et de médicaments, nous en reviendrons à ce monde des routiers. Pour moi et pour Yvan Fernandez qui depuis quelques années m'assiste à ce niveau, ce nouvel épicode offrira l'occasion de reconstituer des voitures peu connues à l'Ouest. Si l'automobile n'est pas aussi populaire à l'Est que chez nous, son industrie n'y est pas moins florissante. Skoda, Volga, Lada... sont des marques qu'on rencontre ici. Mais, il y en a d'autres. Nous irons sur place, nous documenter...

UN CONCOURS POUR LES ADOS

Une des préoccupations principales de Touring-Secours - nos lecteurs peuvent le vérifier régulièrement dans nos colonnes - est la sécurité routière et plus particulièrement celle des jeunes. En témoignent le Journal J. et le concours que nous organisons depuis deux ans déjà, dans le cadre de l'AIT et qui a mené tout récemment nos jeunes finalistes à Sofia.
Cette fois, c'est aux adolescents que nous nous adressons. Par l'intermédiaire de la bédé, un langage qu'ils connaissent bien. Une fois n'est pas coutume. Les images qu'ils vont découvrir à travers les aventures d'Al et de Brock, les sympathiques patrouilleurs de la police de San-Francisco sont des exemples... à ne pas suivre! Une preuve par l'absurde en quelque sorte.
En pratique, chaque séquence extraite d'un album de la série Les Casseurs (parue aux éditions du Lombard) dans laquelle la voiture joue un rôle central, sera ponctuée d'un conseil de TS en matière de sécurité routière. La morale de l'histoire en quelque sorte. La séquence sera suivie d'un mini concours sous forme d'une question portant sur le code de la route et
la sécurité routière. Les gagnants recevront des albums de la série Les Casseurs et des mini voitures Bburago offertes par les éditions du Lombard.
Pour les départager, et désigner deux finalistes, il leur sera demandé d'exprimer sous forme de texte (quelques lignes) ou de dessin, leur conception personnelle de la sécurité routière. Premier prix: une planche originale de Christian Denayer, le dessinateur des Casseurs; deuxième prix: un dessin dédicacé.

Jean-Louis LECHAT dans Touring-Secours No 21 du 1er novembre 1990


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