Robidule rencontre... Christian Denayer

 

..J'ai toujours eu envie de faire du dessin , que ce soit de la bande dessinée ou autre chose .

C'est un peu par hasard que je suis entré dans la bande dessinée: j'avais présenté des dessins à Publiart, pensant pouvoir me faire un peu d'argent comme illustrateur... Mais à l'époque, Jean Graton cherchait un assistant. Et la plupart des dessins que j'avais présentés se rapportaient à l'automobile. Cela mit la puce à Marcel Dehaye, qui mea directement aiguillé vers Graton.

Et Jean Graton me prit à l'essai... J'ai continué ainsi jusqu'en 1969.

Un peu plus tard, Tibet a fait appel à moi. Lui aussi cherchait un assistant, mais en vain semblait-il... Je revenais justement du service militaire quand il m'a contacté. Mais comme j'étais toujours lié à Jean Graton, j'ai décidé de mener les deux séries de front .

A mes temps libres (très rares), j'essayais de faire quelques dessins pour m'exercer. Et j'ai obtenu ainsi quelques travaux pour "J2 Magazine" ... Tibet et Jean Graton m'ont d'ailleurs fort aidé en conseils et remarques ... J'avais notamment beaucoup de problèmes à dessiner les personnages . J'en d'ailleurs toujours ...

Fait remarquable, c'est dans l'humoristique que j'ai fait mes propres armes ... Mais n'en parlons pas trop!

Mais il y eut une fin à tout cela ... Car faire simultanément les décors de Ric Hochet et ceux de Michel Vaillant me prenaient presque tout mon temps et j'étais déjà fort sollicité par Rossel et Depuis. Il me fallait prendre une décision: ou bien je laissais tomber une de mes séries ou bien je devais demander à Tibet ou à Jean Graton de me chercher un remplaçant ...Il fallait que pense à mon avenir. J'ai alors demandé à Jean Graton s'il ne pouvait pas me remplacer. Et il a fait des recherches, pour trouver finalement Daniel Bouchez et Christian Lippens. C'était en 1969...

Mais avec, le succès sans cesse croissant de Yalek et de Patrick Leman, je ne sais plus où donner de la tête. Je dois de plus en plus produire et j'ai peur que la qualité en souffre. Mais, cette année, Tibet qui a très bien compris mon problème, m'a promis de chercher quelqu'un apte à me remplacer ...Jusqu'à présent, nous n'avons pu trouver malgré les nombreuses propositions reçues ...

Généralement, les gens que nous rencontrions n'avaient pas la technique et la maturité nécessaire pour assumer cette tâche. Le "métier" manquait. Et puis, avec Tibet, il faut aller très vite et ce n'est pas donné à tout le monde de pouvoir le suivre...!

En fait je me suis bien rendu compte que pour les jeunes, aujourd'hui, il est très difficile de percer. On leur demande, un niveau de qualité de plus en plus important, qui ne peut s'acquérir qu'au bout de pas mal de travail ... Ce qui, je crois, manque surtout, c'est l'aide qu'un professionnel peut apporter à un débutant; c'est à dire tout un bagage de techniques qui ne peut s'acquérir qu'au bout de 20 ou 30 ans de métier. Bagage qu'on exige dès le début à un nouveau dessinateur. Mais aujourd'hui, rares sont les dessinateurs qui peuvent encore se permettre de prendre un assistant pour l'épauler.

Ce fut ma chance de travailler avec Tibet et Jean Graton ... Ils m'ont appris des tas de choses qui me servent beaucoup aujourd'hui.. Je leur en suis toujours très reconnaissant .

- Comment est né Yalek ?

Comme je travaillais avec Tibet depuis un certain temps, je connaissais très bien André Duchâteau ... On parlait souvent d'une série à faire ensemble.

Henri Desclez, chargé par le Soir de renouveler sa page Jeunesse du mercredi, a contacté en 1969 Duchâteau pour savoir s'il n'avait pas quelque chose en vue pour lui ... André a directement pensé à moi. Et nous avons fait Yalek ...!

Actuellement, nous sommes sur le quatrième épisode. Trois albums sont parus en noir et blanc et nous prévoyons les autres en couleurs ...

- Et Patrick Leman ?

Au départ, c'est avec un copain que j'ai créé le personnage. Nous voulions créer une histoire d'automobile ... Mais j'ai quand-même demandé à Duchâteau de superviser la réalisation. Nanti d'un premier synopsis et de 2 planches de présentation, je me suis rendu à la rédaction Dupuis. Thierry Martens a présenté son accord pour la réalisation du premier épisode ... Comme cela a bien marché au référendum, nous avons continué. Mais maintenant, je travaille uniquement sur scénario de Duchâteau .

- A part Yalek et Patrick Leman, vous faites d'autres choses avec Duchâteau ?

Pour Le Soir, nous avons une série quotidienne, créée justement à la demande du Soir. Le personnage central se nomme Alain Chevallier et il est du même genre que Patrick Leman, le thème étant également le Sport Automobile ... Malheureusement, du point de vue dessin, la bande quotidienne ne permet pas toutes les souplesses d'une planche habituelle...

Et puis pour Spirou, j'illustre les enquêtes de l'inspecteur Spirou écrites aussi par André...

J'ai une série pour un "Toutes Boîtes" bruxellois, "Tilt Magazine". Mais je travaille un autre scénariste que Duchâteau ... Le personnage central s'appelle David Dax et est fort proche d'Alain Chevallier tant de par ses aventures que par son physique: C'est un coureur automobile qui travaille pour la Sécurité du Territoire Américain.

- Cela fait quand même beaucoup... Cela ne vous pose pas de problèmes?

Je dois dire que si Tibet m'a communiqué quelque chose,...c'est bien sa rapidité. Et comme j'ai beaucoup de liberté du point de vue des délais, surtout chez Rossel, j'arrive encore à me tirer d'affaire facilement...

- C'est différent, de travailler pour une maison comme Rossel, que pour Spirou par exemple?

Le Soir imprime toujours la veille du jour de parution et ne demande jamais au dessinateur d'avoir un stock d'avance. J'ai ainsi beaucoup plus de liberté que chez Dupuis qui demande de gros délais d'avance... J'ai aussi beaucoup plus de liberté du point de vue conception des histoires et des dessins.

Et puis, il y a le fait que je ne sois principalement publié qu'en noir et blanc... Je dois alors faire un plus grand emploi du noir pour donner une ambiance.

- Vous dites que vous éprouvez beaucoup de difficultés à dessiner les personnages... Mais pourquoi ?

Il faut dire que chez Tibet et Jean Graton, ne faisant que des décors, je n'ai guère eu le loisir de m'exercer à dessiner des personnages ... C'est un de mes points faibles et je m'attache à me perfectionner dans ce sens.

Et puis, ce que j'aime surtout c'est dessiner les décors et les automobiles... C'est peut-être par habitude, mais c'est ce qui me procure le plus de plaisir!

- On peut voir chez vous une importante documentation photographique ...

Oui , c'est vrai, j'ai réuni une importante documentation photographique sur l'automobile et surtout sur les voitures de sport . C'est grâce à certaines firmes qui m'ont permis de disposer de certains de leurs modèles ...J'ai ainsi pu les photographier sous tous les angles. Il faut dire que mon hobby, à part le dessin bien sûr, c'est la photographie !

C'est ainsi que pour dessiner l'Opel GT de Patrick Leman, je dispose d'une cinquantaine de photos... Je crois que pour un dessinateur devant faire intervenir souvent des voitures, une telle documentation est très utile, si pas nécessaire...

- Que pensez-vous des fanzines?

Eh bien, et ce n'est pas pour vous faire plaisir que je dis cela, je trouve les fanzines très utiles, dans la mesure où ils savent bien informer les lecteurs et formuler des critiques valables concernant la bande dessinée en général... Cela peut avoir un effet de promotion pour certains albums, dessinateurs, journaux...

Et puis, c'est très intéressant pour les fans de BD et collectionneurs acharnés...!

- Vous n'avez pas envie de vous lancer dans l'humoristique?

Il m'arrive de faire des clins d'oeil humoristiques dans mes planches, notamment avec Pocket, mais je ne me sens pas apte à faire une série humoristique...

Je trouve que présenter quelques notes d'humour dans une histoire y ajoute un peu de piment et la rend ainsi plus plaisante à lire... D'ailleurs, Pocket n'entre en jeu principalement que dans ce but...

Un exemple? Dans une planche, au lieu de donner un coup de poing à son adversaire, Pocket l'assomme avec le téléphone. Je trouve cela assez loufoque! C'est ce qu'on appelle un coup de téléphone!
 
Interview réalisée chez Christian Denayer par Robidule en décembre 1972


        
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