AL & BROCK
S'IMPLIQUENT PLUS QUE JAMAIS!

«Jusqu'ici, explique-t-il, chaque épisode s'articulait essentiellement autour d'une succession de scènes d'action très spectaculaires. Passionné de voitures et plus particulièrement de belles américaines, j'éprouvais un malin plaisir à dessiner ces crashes insensés. Al et Brock étaient avant tout des 'casseurs' qui aimaient vivre dangereusement et qui accomplissaient leurs missions sans jamais se poser de questions sur le monde qui les entourait. C'était des personnages très physiques, sans grande profondeur psychologique, qui me servaient surtout de prétextes à réduire à l'état de ferrailles tout un catalogue de véhicules mythiques. C'était aussi une sorte de référence aux feuilletons de télévision et aux films américains de série B dont je suis très friand. Connaissant mes goûts, André-Paul Duchâteau concevait ses scénarios en fonction de cela... Mais au bout d'un temps et de près de 20 albums, nous avons eu le sentiment que nous nous installions progressivement dans une espèce de très confortable routine.  Moins de casse, moins de cascades spectaculaires, mais des aventures riches en rebondissements sous-tendus par les grands problèmes de notre société: tel sera le cadre dans lequel «Les Casseurs» accompliront désormais leurs exploits. Nous avons demandé à Christian Denayer, le pourquoi et le comment de cette évolution.

______________________________

Le moment était venu de trouver de nouvelles motivations, d'évoluer et de nous remettre en question... »

Comment ce virage s'est-il négocié?
« Ma passion pour tout ce qui roule est demeurée intacte. Il y aura toujours dans les prochaines aventures de Al et Brock, des voitures de rêve et autres véhicules qui donneront lieu à des cascades impressionnantes. Ces images graphiquement spectaculaires seront toutefois moins nombreuses 

 

et elles s'intégreront de façon plus logique dans le déroulement de l'histoire. Duchâteau et moi, nous nous attacherons désormais à rendre nos personnages plus humains et moins superficiels. Al et Brock s'impliqueront davantage. Ils seront plus sensibles aux grands problèmes de société qui interpellent quotidiennement les jeunes. Dans l'épisode dont la prépublication débute cette semaine, nous évoquons ainsi une situation que beaucoup de familles connaissent aujourd'hui: à savoir le drame que constitue pour des adolescents, la séparation de leurs parents... Le suivant que nous préparons actuellement fera notamment écho aux problèmes d'emploi. En essayant de comprendre le pourquoi et le comment des choses, Al et Brock en deviendront nos interprètes. Ils exprimeront tantôt l'avis de Duchâteau et tantôt le mien. Comme nous portons un regard différent sur les mêmes faits de société, cela constituera une forme de débat. Mais, je le répète, cette nouvelle approche ne se fera pas au détriment de l'intrigue qui continuera d'être menée à un rythme haletant. L'humour aussi sera toujours présent. »

Vos enfants ont-ils influencé cette évolution?
«Certainement! Fort heureusement, ils n'ont jamais rencontré des difficultés de ce genre. Mais, ils sont conscients de faire partie des privilégiés. Que ce soit au lycée ou ailleurs, ils sont confrontés chaque jour à un tas de problèmes qui les préoccupent: la violence, le racisme, la drogue, le chômage, le sida... Destinée à un public jeune, la BD ne peut plus ignorer cette évolution. Le lecteur doit s'y reconnaître ou tout au moins y reconnaître un univers qui lui est familier. Pour Duchâteau et moi, Al et Brock ont longtemps fait référence à notre propre adolescence, celle insouciante de la génération des années '50. Mais, le monde a changé. Nous sommes maintenant en 1992 et nous nous devions de nous y adapter. D'où ce changement de cap qui, je l'espère, sera accueilli favorablement.

Propos recueillis par Jean-Louis LECHAT dans Hello Bédé No 24 du 16 juin 1992


Page d'accueil Bibliographie Documents Photos