Christian Denayer: Le côté graphique et spectaculaire

Les histoires de bandes dessinées axées exclusivement sur le monde de l'automobile, ne sont pas courantes. Il y a quelques mois, nous rencontrions Jean Graton, à qui l'on doit Michel Vaillant. Il nous expliquait ses sources d'inspiration et sa conception de la « BD ». Aujourd'hui, c'est Christian Denayer, père spirituel - avec André-Paul Duchâteau pour le scénario - d'Alain Chevallier et des « Casseurs » de l'automobile, qui nous accueille dans sa maison blanche située sur les hauteurs de Wavre. Il nous conte ses débuts dans l'univers du dessin.

Plus esthétique que technique

- Au départ, je me destinais à l'enseignement et ne songeais qu'à partir pour le Congo. Toutefois, le feu sacré ne fût qu'un feu de paille et j'ai assez rapidement bifurqué vers le dessin publicitaire. C'est alors que j'ai commencé à dessiner des voitures. Un beau jour, je ne sais plus très bien par quel biais, je me suis retrouvé dans le bureau de Jean Graton: huit ans plus tard, j'y étais toujours!
C'est lui qui m'a appris mon métier et, surtout, qui a aiguisé ma passion pour l'univers automobile, une passion bien plus esthétique que technique, il faut le préciser.

- C'est ce qui vous a incité à « créer » Alain Chevallier?

- En réalité, Alain Chevallier a répondu à un souhait de disposer de planches de BD quotidiennes pour le journal Le Soir, avec un impératif: l'histoire devait se dérouler dans le monde de la course automobile. André-Paul Duchâteau et moi-même, nous sommes donc astreints à cette tâche très éprouvante puisqu'il fallait préparer un grand nombre de planches dans des délais relativement courts.

Les tics de Jean Graton

- Une mise en parallèle avec Michel Vaillant est inévitable. Alors, qu'est-ce qui différencie réellement ces deux héros?

- Lorsque les aventures d'Alain Chevallier ont commencé leur parution dans Tintin, il était indispensable de faire la différence avec le héros de Graton. Alors que, pour Vaillant, la course est le centre de l'histoire, pour Chevallier, par contre, l'automobile n'est que le prétexte à raconter une aventure. Toutefois, je dois reconnaître qu'après mes années passées chez Graton, j'ai inévitablement conservé certains de ses tics. De manière plus générale cependant, on doit constater que l'automobile prend une place de plus en plus importante dans la bande dessinée. La personnalité de chaque dessinateur vient renforcer l'impact graphique et spectaculaire de la voiture ou de la moto et nombreux sont ceux qui, maintenant, se servent de ce biais pour mettre en valeur leurs personnages.

Pour certains, cela constitue peut-être une réaction face à toutes les restrictions actuelles en matière automobile: vitesse limitée, taxes, prix d'achat, consommation... En ce sens, tout comme la moto, elle constitue un dérivatif, un moyen de défoulement. En ce qui concerne la moto, j'avoue cependant que si j'aime la mettre en mouvement, je la trouve beaucoup plus difficile à dessiner. Sans doute est-ce pour cela qu'on la rencontre moins souvent dans la BD.


- Une dernière question. Comment voyez-vous l'évolution des aventures d'Alain Chevallier?

- Nous cherchons, Duchâteau et moi-même, à donner à notre héros une autre personnalité. On voudrait le lancer dans des aventures se situant à la limite du fantastique tout en conservant, comme thème essentiel, l'automobile. En fait, je crois que le thème de la course commence à être éculé. Sans vouloir faire de mauvais jeu de mot: le circuit, on en a vite fait le tour!
Bref, l'avenir d'Alain Chevallier ne se déroulera plus essentiellement sur les lieux de compétitions automobiles. On songe notamment à des histoires d'espionnage entre grands constructeurs, ce qui pourrait nous permettre de donner à notre héros plus d'épaisseur psychologique, une plus grande dimension humaine.

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? du 15 MAI 1979


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